Vous est-il déjà arrivé de vous concentrer vigoureusement, les yeux rivés sur votre modèle, de courber votre dos et de constituer une tension importante dans votre corps, de vous retrouver le poignée figé, lié, possédé par l’acte de bien réussir ce que vous lui avez demandé de réaliser?
La tension oculaire chez l’artiste, c’est récurrent. En témoigne Joseph Garibaldi, peintre de la fin du 19ème début 20ème. Il est devenu un artiste du post-impressionnisme malgré lui. La tension dans les poignées témoignent de l’impuissance que nous pouvons parfois ressentir lorsque le dessin ne donne pas ce que nous voulons. Le dos, s’immobilise, et les épaules toisent les oreilles, vous atteignez la crispation à son paroxisme.
L’approche du dessin est un état d’être. Ce qui va en sortir de plus profond, c’est une réciprocité, ce qui va en ressortir de plus effervescent, c’est de gagner du style. Être artiste, c’est vivre cet état d’être au moment de la création, on s’identifie au modèle, la mouvement de la main est fluide. Ce sont des éléments qui prédisposent que le corps et l’esprit soient inextricablement connectés. Il n’y a pas de distinction tranchée entre le mental et le physique. L’un comme l’autre va conditionner l’état de l’artiste. Comme l’artiste devient conscient que le mental et que le physique le conditionne, il ne peut qu’admettre que la canalisation d’un de ces deux aspects renforcent l’un et l’autre et accélère son développement. L’artiste s’offre une condition optimum pour la pratique du dessin s’il réduit, par exemple, considérablement ses tensions physiques. La tension déforme la réception de l’impression, du champ d’information, et tend à immobiliser le caractère fluide du mouvement des yeux et réduit son champs de vision. Il empêche la précision, la rapidité, et la souplesse dans la main. Les yeux sont des instruments faits pour la mobilité. Cela ne veut pas dire qu’il faut le forcer à fixer son attention pendant longtemps. Quand il y a tension, nous perdons cette subtilité évanescente que nous offre la perception visuelle. Les yeux sont comme l’eau, essayer de se concentrer en permanence de manière précise c’est comme essayer de maintenir un liquide dans la main, plus nous serrons le poing, et moins le liquide reste dans la main. Il s’échappe.
Mon conseil
1 – D’abord, de manière très protocolaire, prévoyez un break entre les deux heures de pose du modèle vivant, si deux heures il y a.
2 – Tentez de défocaliser le regard pour absorber les images dans la conscience, sans intensité. Le désir de posséder ce que l’on voit nous fait perdre très rapidement toute capacité à saisir ce qu’il y a à saisir.
3 – Regardez le plus loin possible, là où c’est possible, toutes les 20 minutes.